Chronique n°25 (inédite)
Du côté de P'tinrupt
En allant par le chemin d'Obtinrupt (qui s'appelait jadis Petainrupt), il est possible de découvrir de nombreuses traces anciennes de notre histoire car on pénètre rapidement dans des forêts qui ont jadis été peuplées par des populations autochtones ou étrangères qui ont colonisés ces bois.
La ferme.
A moins d'un kilomètre des dernières maisons du village, en suivant le chemin forestier, après être passé sous la ligne HT, on arrive à une intersection. Ici sur le chemin partant à droite se trouvait la ferme de Petinrupt, un écart du village à l'instar de la Charbonnière où habitaient quelques pauvres gens isolés et qui subsistait encore au début du XX° siècle. sans doute vivaient-ils de l'exploitation de la forêt et de quelques maigres élevages ou cultures. Elle a du être abandonnée progressivement mais il est mentionné que les fameux hindous, déjà présents aux abords de l'étang l'abbé, y ont également trouvé refuge dans ses ruines en mai 1944
(suite aux bombardements de la gare
d'Epinal, voir chronique n°17 ).
Georges Balland, futur patron du
restaurant, allait toutes les semaines
avec sa charrette à boeuf leur apporter
de la nourriture.
Aujourd'hui on ne voit plus que quelques
trous à l'endroit où se trouvaient les
caves de la bâtisse...
La scierie.
Comme vous le savez le premier conflit
mondial n'a pas directement concerné le
secteur de Grandvillers, la ligne de front
se trouvant surtout sur les rives de la
Meurthe et dans les environs de St Dié et des montagnes alentours.
Mais l'armée américaine est venue s'installer à Grandvillers [1] à la fin du conflit (novembre 1917). Un bataillon de forestiers (le 20th Engineers Regiment) avait établi une scierie, pas très loin de la ferme, où étaient fabriquées des traverses de chemin de fer et des planches destinées à la construction de ponts et de caisses. Cette scierie a fonctionné de décembre 1917 à avril 1919. Comme toutes les structures américaines, cette fabrique surprenait par sa technologie et son débit de sciage, bien au delà des moyens qu'avaient à l'époque, nos forestiers vosgiens.
Les bois Chevillot
Au carrefour de Pétainrupt, si on part à gauche, on pénètre dans les bois Chevillot qui sont territoire de
Frémifontaine mais si proche de
notre village qu'il m'est difficile de
ne pas en parler...
Cette forêt est historiquement et
archéologiquement très intéressante
du fait des découvertes qui y ont été
faites et témoignent d'une présence
humaine très ancienne dans le
secteur.
Six stèles d'origine gallo-romaines[2]
ont été découvertes en 1840 par un
garde forestier. Les plus remarquables
sont une représentation de la déesse
Epona assise sur une jument, haute
de 53cm et une pierre triangulaire
(70cm) contenant dix petites têtes
sculptées et rangées sur deux lignes
qui pourraient être les "dieux de la
semaine". Il y a aussi un fragment de
75cm représentant Mercure.
Toutes ces pierres taillées sont
actuellement au musée d'Epinal
(malheureusement non exposées). Un instituteur nommé Jeandidier aurait également découvert une ancienne voie pavée en 1861, qui serait la voie romaine reliant Mortagne à Girmont (et qui passe aussi par Pierrepont et Nonzeville). Toutes ces trouvailles témoignent donc d'une présence gallo-romaine dans cette forêt mitoyenne de Grandvillers.
Les ruines des Templiers (?)
En continuant le chemin qui va vers la Patraque, on passe au bout d'un bon kilometre à proximité d'une butte sur la gauche (côte 467m) sur les flancs de laquelle se trouvent moult moellons et bloc de roches témoignant de ruines
d'un ancien bâtiment. Ces pierres ont été attribuées à une maison de Templiers où se seraient réfugiées quelques moines-chevaliers au crépuscule de leur ordre[3] et qui auraient ensuite été attaqués et
détruits par les habitants de Brouvelieures fanatisés après la dissolution de l'ordre et les procès en 1313. Néanmoins cette théorie (élaborée par Gravier
en 1836 et reprise ensuite par de nombreux auteurs) est aujourd'hui complètement remise en cause par les historiens régionaux[4] , il n'y aurait jamais eu de templiers dans cette forêt et Bellieuvre ne serait pas Brouvelieures. Gravier parle également d'un bas relief
représentant un religieux et son chien[5] mais cette pierre sculptée n'a jamais été retrouvée.... alors chacun peut imaginer ce qu'il veut (?) mais moi qui ne suis pas un vrai historien, j'aime à penser qu'il y a eu quelque part, en des temps très anciens, et tout près de Grandvillers, une bâtisse ayant abrité quelques preux chevaliers et pourquoi pas quelques trésors (au moins archéologiques !) ....
28-12-2014
[1] Le Corps Expéditionnaire Américain dans les Vosges 1917-1918 de Eric Mansuy
[2] Carte archéologique la Gaule - les Vosges- Mathieu Michler (2004)
[3] La Croix, le Glaive et la Charrue de mon ami, le regretté Jean-Jacques Rento (1996)
[4] L'ancienne commanderie de Bellieuvre - M-H Saint-Dizier in "Mémoire des Vosges" n°28 (2014)
[5] Peut-être bien une autre stèle gallo-romaine ....