1.LA NOUVELLE EGLISE.
(paru dans BM n°3 de juillet 96 - révisé)
Il est 19 h 30, en ce soir froid du
10 janvier 1877. Joseph ETIENNE,
curé de Grandvillers depuis 1836, pousse
son dernier soupir. Agé de 73 ans,
il a consacré près de 41 ans de sa vie à
cette paroisse, à cette église antique
et exiguë, délabrée et même dangereuse
dont la voûte de la nef menace de
s'effondrer et dont les murs lézardés sont
trop étroits pour contenir la foule
des grandes cérémonies.
En juin 1850 déjà, il avait alerté le préfet afin qu'il vienne constater l'état de décrépitude et
de vétusté de l'édifice cultuel, en particulier de son chœur, ainsi que l'étroitesse des lieux.
Plusieurs fois, l'abbé ETIENNE et le conseil de fabrique ont supplié par écrit le conseil municipal de se décider enfin ; mais construire une nouvelle église n'est pas une simple affaire. De multiples réparations ont permis à maintes reprises de surseoir à cette considérable entreprise en attendant notamment de trouver un financement adéquat.
En février 1866, une pétition est signée par 240 chefs de famille pour réclamer la construction d'un nouveau bâtiment paroissial. Bien que le conseil communal ait donné son aval à la mise en route du chantier dès cette même année 1866, les choses vont encore traîner une douzaine d'années….
Le 13 février 1868, Monsieur REIVEILLIEZ, architecte à Epinal, propose un premier projet de style Roman à construire dans les jardins du presbytère, mais le conseil municipal suspendra, puis abandonnera ce projet trop compliqué et trop obsolète (le style Roman n'aurait plus la préférence). L'abbé ETIENNE lui-même refuse la construction de l'édifice dans le jardin de la cure parce que l'endroit lui paraît inapproprié du fait de son orientation, de son humidité (sources) et des surcoûts de terrassement liés à la pente du terrain. Il récuse également un certain architecte pressenti par la commune.
Le maire, Monsieur Jean-Joseph VIRION et son équipe voteront à nouveau par deux fois de menues réparations de la vieille église, de la croix du clocher (02/1869), des cloches elles-mêmes et de la voûte (11/1871). Suite aux sollicitations du conseil, Monsieur PERRON, architecte départemental à Remiremont, va alors élaborer deux projets d'église Gothique en septembre 1874, puis en mai 1877. Lors de sa séance du 16/02/1878, le conseil municipal adopte finalement le premier devis de Monsieur PERRON en le modifiant sensiblement : une église Gothique de 700 places et d'un coût de 83000 F, mais en supprimant la nouvelle tour dessinée par Monsieur PERRON pour garder le vieux clocher et construire l'ensemble en lieu et place de l'ancienne église.
L'abbé Joseph ETIENNE ne verra donc jamais ce projet se réaliser. La maladie (une "fluxion" de poitrine), l'âge et la fatigue
auront raison de cet immuable curé en
ce soir d'hiver 1877.
Ce n'est qu'en avril 1878 que le cahier
des charges mentionnera l'adjudication
de la construction du nouvel édifice
religieux à l'entreprise Jean-Pierre
NOURDIN de Grandvillers et les travaux
pourront commencer à l'été 1878.
De nombreux matériaux seront d'ailleurs
directement extraits à proximité du
site ; ainsi on peut voir encore aujourd'hui
un trou de carrière dans la propriété de
monsieur Joël Bastien. L'architecte
PERRON supervisera l'intégralité de cet ouvrage qui durera une bonne année…
Le corps de Joseph ETIENNE repose quand même dans la nouvelle église, dans la chapelle de Saint Romaric, tout près des reliques du saint homme.
C'est Etienne THOMAS qui sera le curé de la nouvelle église (de 1877 à 1892) et c'est à lui qu'incombera la délicate tâche d'installer le nouvel édifice, de meubler et financer de multiples travaux de finition et d'embellissement. Ainsi par exemple, pour obtenir de beaux et nouveaux bancs, l'abbé THOMAS trouvera une riche dame de Sainte-Hélène pour acheter ces mobiliers et le conseil de fabrique versera en compensation une rente viagère à cette généreuse personne…
Bien plus tard, en 1924, la seule partie encore ancienne de l'église, le clocher, verra sa flèche entièrement refaite par Monsieur Emile MARCHAL, ferblantier à Grandvillers, sous la houlette de Monsieur GRANDADAM, architecte à Bruyères. De belles ardoises viendront alors remplacer les bardeaux de chêne usés.
En ce début de vingt-et-unième siècle, l'église de Grandvillers demeure à présent comme l'ont laissée les bâtisseurs de 1879 et comme l'a sans doute rêvé Joseph ETIENNE au soir de sa vie en janvier 1877…
Sources : archives paroissiales et communales de Grandvillers
08-03-1996